Après avoir récupéré, fait quelques vannes au guide, l'organisation se met en branle. L'habitude et les accords tacite nous ont rodés, on marche mieux qu'une armée. Une armée de gros branleurs, certes. Je vais cueillir du bois pour le feu. De retour avec quelques sequoïas et autant de baobabs, je chope un djembé et entame un beat de percu. Zeb et Number finissent de monter les tentes. Le premier chope son djembé et le deuxième part en beatbox. Une, puis deux guitares nous rejoignent. D'autres frappent sur divers matériaux. On est bien parti pour tenir le boeuf une bonne demi heure. Je ferme les yeux, chaque fois que je frappe sur la peau ultra-tendue les vibrations passent de mon être à la Terre. En passant par mes pompes manufacturées à Taïwan. So what? C'est bien du coca cola qu'on mélange à un mauvais sky. C'est bien manufactured in China nos ipod sur leurs stations. Personne ici peut se targuer d'être écolo. On allume le brasier, libérant notre quota de CO2 à effet de serre. Le paysage entier se transforme petit à petit sous la lumière changeante du soleil couchant. Les discutions démarrent, d'un côté "qu'est ce que tu deviens?" et de l'autre "mais qu'est ce qu'on va devenir?" Elles finnissent par se rejoindre sur le thème "le passé c'est fini, le futur on verra bien, et mate un peu comment j'm'occupe du présent!" On déballe les jeux de société, y incluant quelques règles impliquants une ingestion d'alcool assez conséquente. Coin et moi commencont à rouler des buzzs. Le principe de jouer avec la société me fait sourire. Certains pensent vraiment jouer avec, d'autres sont persuadés de n'être que des pions contrôlés d'un bout à l'autre. D'un côté les imbéciles prétentieux et de l'autre les imbéciles paranos. J'en fait part à mon voisin, qui me dit que pour lui la société est un parc. On peut aller où on veut, faire tout ce que l'on veut, on ne peut pas sortir du parc. Non par manque de volonté, simplement parce que les limites sont trop éloignées. Invisibles. Pas mal. Be Yourself, voilà le moule, Just do it mais pas trop de bruit. Hasta la vista démerdes-toi! Voilà un avis fondé en quelques minutes! Eh merde, rue de la paix. Cul sec!
L'obscurité fini par limiter les jeux, les foies saturent, les poumons noircissent. Je fais tourner le bedo et attrape une guitare. D'you want to go to the seaside? Du coin de l'oeil, certains s'allongent, d'autres se superposent. I'm not trying to say that everybody wants to go... Une vois se mêle à la mienne. Non, deux. Zeb et Akass'. Trois octaves différents. I fell in love in the seaside... Les superposés vont dans les tentes, les autres s'endorment. A seulement quatre heures du mat'. Sûrement un effet de la salade de pâtes un peu lourde. Encore une fin de soirée en dernier debout, avec Zeb. Par contre c'est une première pour Akass. Faut dire qu'on a pas fait beaucoup de fêtes avec elle. On refait la musique, on refait le monde, on refait un joint. Malgré l'heure tardive, la discution s'anime. Un pote que je connais par coeur, une fille que l'on connait pas trop. Et qui n'est pas du tout ininterréssante. Pas du tout moche. Avec un soupçon d'ironie qui remet en place. Le genre de fille dont je pourrai tomber éperdument amoureux si elle m'en donnait la permission. Puis j'aperçois une lueur dans l'oeil de Zeb. Concurrence tacite. Pression énorme. Ah l'enfoiré. Un nouveau jeu se met en place. On écoute Akass puis c'est à celui qui trouve le plus d'arguments pertinents en faveur des paroles de la demoiselle. On se surpasse. Heureusement que j'ai pas forcé sur la boisson.
Lorsque miss se lève pour aller chercher un autre paquet de clopes dans son sac, Zeb me check d'un coup d'oeil. Je le pointe du doigt avec un sourcil interrogateur. Il hausse les épaules. A son tour de me viser avec son index. J'opine vigoureusement, il me fait un clin d'oeil. Ah, les potes. Akass revient. Extrèmement adroit, Zeb lance des sujets sur lesquels il sait que je peux débattre avec passion des heures. Akass m'écoute, renchérit. Heureux de son coup, Zeb s'efface. Je prend conscience de ce qui nous entoure, une feutrine de nuit sort du monde dix potes et un soleil se lève quelque part, éclairant la pyramide de Gizeh et quelques moscovites. Peut-être suis-je un peu défoncé. Mais comme toujours, le bonheur passe sur le pouce. Déjà elle se lève pour aller se coucher. Elle me jette un sourire équivoque détruit par un "bonne nuit" sans équivoque. Je l'entends entrer dans une tente inoccupée. Bon. Je reste sur place, devant les flammes, et ferme les yeux.
Au moment où je m'endors, une présence me réveille. Wah, elle est si proche. "Tu viendrais même pas me rattraper?" Mon sourire incrédule lui répond pour moi. Je me lève et regarde ma demoiselle. Elle me sourit, puis s'approche doucement de moi. Elle dépose ses lèvres comme un papillon sur les miennes, ne faisant que les effleurer. Puis elle m'attrape par la main et m'amène à la tente. Lorsque je me couche, elle ris en voyant mon sourire que je n'ai toujours pas pu effacer. Ensuite elle se blottit doucement contre moi et pose sa tête sur mon épaule. Je sens furtivement ses lèvres sur ma joue. Bonheur a oublié son chapeau, il revient. Je la serre contre moi, elle sourit.
"Bonne nuit
-Oui, ça risque."
Plus que deux heures de nuit, nous sommes immobiles, sa main sur mon coeur qui ne sait pas quoi faire. Immobiles, je laisse sa présence m'atteindre et profite de ce sentiment. Je sens le sommeil arriver sans le fuir ni le chercher. La respiration de la demoiselle se fait paisible et régulière. Je surfe alors sur une vague de félicité qui m'emporte jusqu'à Morphée. Demain il ferat jour. Jusqu'ici tout va bien.
***
J'ouvre les paupières. Fronce les sourcils. Devant moi, le brasier s'éteind. Un panorama à couper le souffle entoure un soleil levant. Prostré devant le reste du feu, je soupire. Morphée est un connard. Le marchand de sable m'a mi sa pelle dans la gueule. Derrière moi, une fermeture éclaire déchire le silence. Zeb se frotte les yeux et s'assoit à côté de moi. Je lui raconte la nuit et le rêve. Il rit et me refile un peu de compassion avant d'aller pisser dans la forêt dans notre dos. Lorsque je l'entends revenir, je me remet à parler. Ses pas s'arrêtent derrière moi.
"C'est nimp, mate comme j'suis ridicule. "J'aimerai trouver les mots justes, j'aimerais trouver les bons gestes..." Réduit à citer des chansons pour essayer de décrire ce que je ressens. J'me blinde, elle arrive, et plus rien. C'est con, on a échangé deux phrases et regarde dans quel état je suis. Tu dis rien Zeb? (Je me retourne.) La vache, t'es devenue mignonne pendant la nuit!"
Je me lève et regarde ma demoiselle. Elle me sourit, puis s'approche doucement de moi.
C'est marrant parce que tu emploie parfois un ton rude mais qui ne gâche jamais la délicatesse du texte, ça ne fait que plonger le lecteur dans l'action, et on y échappe pas.
Une belle sincérité dans les mots, bref, digne d'être une "suite" du précédent et je me tue à te juger comme si j'étais Dieu, non mais, ce titre est déjà pris ;)